Faire pour apprendre : une école de production textile dans les Vosges !

Le 03/12/2021 – par Jules Petras

Depuis 2017, la filière textile française repart à la hausse après 40 années de décroissance. Un soulagement et une opportunité pour les entreprises textiles dans les bassins historiques dont fait évidemment partie les Vosges. Le mouvement de relocalisation s’accélère après la crise sanitaire avec la volonté des consom’acteurs d’acheter davantage de produits français. Conséquences, les entreprises textiles notamment en confection recrutent à nouveau ! Une bonne nouvelle mais il est toutefois difficile de trouver du personnel. Par exemple il n’y a plus de CAP confection dans les Vosges.

Pour y remédier, un projet d’école de production est en cours porté par le Syndicat textile de l’Est et Vosges terre textile. On en parle avec Grégoire Bluntzer, en charge de l’implantation de cette école dans les Vosges. Rencontre :

Première question pour aller à l’essentiel : une école de production c’est quoi ?

Le principe des écoles de production existe depuis 140 ans. L’idée fondamentale c’est de faire pour apprendre. La première école de production a été fondé par un ingénieur Normalien le Père Boissard à Lyon qui souhaitait trouver une solution pour des jeunes désœuvrés de son quartier. Il monte alors un atelier de cordonnerie où la production est assurée par les jeunes en formation, et c’est un franc succès. Aujourd’hui il y a 42 écoles de production en France qui forment environ 1000 jeunes de 15 à 18 ans en situation de décrochage scolaire. Il s’agit de jeunes qui ne trouvent pas leur place dans le système éducatif traditionnel. Les écoles de production proposent une pédagogie par l’action pour former des jeunes à des métiers concrets. Et ça marche.

Quel est le projet pour les Vosges ? En quoi ce projet est utile ?

L’idée dans les Vosges est de monter une école de production pour les métiers de la confection textile. Il s’agira de la première école de production dans le Grand-est. 70% du temps de formation sera dédié directement à la pratique, par de la production pour le compte des entreprises textiles locales. On formera une dizaine de jeunes par an, tous en situation de décrochage scolaire. Ce n’est pas grand-chose par rapport aux plus de 5600 décrocheurs sur l’académie de Metz-Nancy, mais c’est la contribution de la filière textile locale à l’avenir de nos jeunes. On ne peut pas les laisser au bord de la route. Le risque c’est la spiral infernale : pas de formation, chômage, délinquance. On rattrape les wagons avant que le train déraille. Si on arrive à sauver 10 jeunes, 20 jeunes, 50 jeunes, c’est formidable. Je pense que c’est une belle aventure qui démarre !

Pouvez-vous nous en dire plus sur le lieu et l’équipement de l’école ?

Notre objectif est une première rentrée en septembre 2022. Pour cela nous avons identifié plusieurs locaux à Epinal, Saint-Dié, Remiremont ou Gérardmer. Nous avons rencontré les acteurs du territoire qui sont tous très motivés pour nous accueillir. Nous n’avons pas arrêté un choix pour le moment, nous travaillons pour identifier le meilleur local pour nos besoins. Il faut en gros 500 à 800 m2. Les promotions seront d’une dizaine de personnes par an. Il faut donc un équipement adapté : piqueuses plates, surjeteuses, brodeuses, imprimantes textiles… Il y a plus de 150 000€ de matériel à prévoir. C’est un atelier textile que l’on monte, au service des jeunes et des ateliers existants de la région.

Etudiant en école de production textile en Auvergne Rhône-Alpes

Justement comment l’école s’inscrit-elle dans la filière locale ?

Et bien déjà le projet est porté par le Syndicat textile de l’Est, qui est l’association qui regroupe les entreprises textiles dans les Vosges et qui a créé le label Vosges terre textile. C’est important pour asseoir le projet qui passe par un comité de sélection ! Ensuite l’école de production sera alimentée par les entreprises partenaires. Par exemple à Grenoble, l’école de production fabrique tous les freins de tramway de la ville, c’est leur marché. Demain dans les Vosges cela pourra être des poches de jeans, les taies d’oreillers, des tabliers de cuisine, etc. Cela serait une fierté et donnera du sens à l’apprentissage ! D’autant plus que nous sommes tenus de vendre aux prix du marché, il n’y a pas de concurrence déloyale. Et une fois la formation terminée (une école de production tourne autour de 95% de réussite aux examens) l’idée est que les étudiants formés soient embauchés par les ateliers de confection vosgiens qui ont fait confiance à l’école en l’alimentant avec des commandes.

On parle matériel, formation… comment se finance une école de production ?

D’abord chaque étudiant jusqu’à ses 18 ans bénéficie d’un financement de sa formation par la région et par l’Etat. C’est un premier montant important pour le fonctionnement de l’école de production, qui finance notamment un maitre formateur qualifié. Ensuite il y a la possibilité de bénéficier du mécénat. Une école de production est une structure associative avec une vocation sociale. Certaines entreprises font des dons aux écoles de production. De plus, la caisse des dépôts accompagne la FNEP (fédération nationale des écoles de production) via la banque du territoire. L’école de production dans les Vosges bénéficiera d’un prêt à taux zéro.  Et puis enfin il y a le chiffre d’affaires généré par l’activité. Il doit être maximum de 30% des frais de fonctionnement. On peut aussi espérer prétendre à des subventions publiques, comme vous l’avez abordé dans un précédent article, la ministre de l’industrie Agnès Pannier-Runacher a indiqué vouloir doubler le nombre d’écoles de production d’ici 5 ans et notre projet sera aidé.

Un dernier mot ?

Je suis très fier de mener ce projet. Le textile ressuscite dans nos vallées, on a besoin de tout le monde ! Le projet que nous menons aidera nos jeunes et nos entreprises à se projeter dans l’avenir.